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Séances sur le lien de filiation paternel

Dernière mise à jour : 21 févr. 2019


Jean vient me voir en séance. (Sachez que « Jean » n’est pas son vrai nom.) La séance commence fort, il veut régler plein de choses avec son père. Il choisit une méthode directe, franche. Il m’expose son programme :

- Je vais aller avec mon père au restaurant, et on va parler de mon éducation, on va revoir ensemble les points qui ont besoin d’être corrigés...

En même temps qu’il me parle je sens qu’il est « décalé ». Décalé parce qu’il se fait le papa du papa, il y a une inversion. En donnant un cours d’éducation à son éducateur, il espère inconsciemment prouver qu’il n’a plus besoin de lui, il espère montrer que l’élève a dépassé le maître.

Bien que je sente cela, je préfère ne pas lui en faire part tout de suite. En fait je sens qu’il y a quelque-chose de plus profond qui tente d’émerger. Alors je lui dis simplement que je sens un décalage entre son discours et ses intentions inconscientes. Il ne répond pas. Je reste dans une écoute pleine, à l’affût. Après un court silence il me dit :

- Finalement, je ne sais pas si ça vaut le coup que je lui parle de tout ça, mon père est relativement vieux...

À ce moment-là je ressens de l’intérieur ce qui essaye de remonter à la surface chez lui. J'hésite à le dire, puis j’annonce posément :

- Tu as peur que ton père meurt avant d’avoir eu le temps ou le courage de lui dire que tu l’aimais.

Je sens que j’ai touché juste. Mais ce n’est pas fini. Il faut accompagner l’émotion qui essaye de remonter. Je lui explique que s’il va voir son père avec l’intention au fond de lui dire qu’il l’aime, et qu’à la place il lui repasse au crible l’éducation qu’il lui a donnée pour la corriger, et en quelque sorte corriger son père au passage, il va rater le cœur de son message. En considérant les choses sous cet angle je l’interroge :

- Mets-toi à sa place, tu réagirais comment ? tu ne saurais peut-être pas quoi répondre, tu es face à ton gamin, tu l’aimes, il te fait des reproches sur tes méthodes éducatives... Jean, tu es un enfant qu’on a aimé, qu’on a choyé, n’en doute pas une seconde.

Son émotion refoulée fait surface. Je sens qu’elle attendait de remonter depuis longtemps. Une fois qu’il a séché ses larmes, je lui demande comment il se sent, et aussi je lui fais part d’un respect sincère pour le courage qu’il a eu de vivre cette émotion. On parle souvent de l’homme courageux comme celui qui se contrôle, celui qui ne pleure pas, on parle plus rarement du courage de reconnaître ses émotions et d’accepter de les vivre. La séance se termine, il me remercie chaleureusement de l’avoir aidé à libérer une émotion qu’il aurait eu du mal, selon ses mots, à libérer de lui-même.


Jean m’expliquera plus tard, dans la séance suivante, qu’il est allé au restaurant avec son père. Il n’a pas suivi son programme initiale qui consistait à revoir son éducation points par points, mais curieusement de tout ces points qu’il voulait aborder (relativement tabous entre eux), c’est son père qui, de lui même, les as mis sur la table. Ils ont pu en parler librement. Jean m’explique qu’il a pu reconnaître le lien qu’il a avec son père. Il m’explique qu’il le regardait en se disant « voilà la tête qu’a mon père, c’est mon papa. » : comme si tout se remettait en ordre au niveau profond, il n’est plus le papa du papa, lui c’est le fiston, et devant c’est le papa. En reprenant sa place de fils il peut accueillir la douceur du lien paternel qu’il se refusait en partie de sentir jusque là, et il me confie que ce lien a quelque chose de sécurisant pour lui.


J’ai voulu partager cette consultation avec l’accord de Jean, d’une part, parce que j’ai été acteur et témoin d’une scène que je trouve belle, sincère.

Cela me permet aussi d’expliciter ma manière de travailler, qui repose sur une écoute pleine et active, cela me permet de mettre des mots plus précis et plus concret sur ma façon de vivre mon « empathie » et mon « intuition ».

Ensuite cela permet d’illustrer concrètement comment notre esprit fonctionne, cela montre en quoi il peut y avoir un décalage entre le discours et les intentions inconscientes. Et comment on peut distinguer un nivellement dans le psychisme : Jean veut revoir son éducation avec son père en espérant la corriger, à l’étage du dessous il cherche à montrer qu’il est l’élève qui a dépasser le maître, à l’étage encore en dessous on se rend compte qu’il cherche à reconnaître le lien paternel qui est un lien d’amour. En agissant sur le niveau le plus profond, les niveaux du dessus se remettent à jour, se réalignent.


J’espère que ce partage vous a plut et vous a parlé,

prenez soin de vous

Yannick

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